Comment les CFF spéculent avec leur immobilier

Tages Anzeiger 02.01.2014

Original en allemand: http://www.tagesanzeiger.ch/schweiz/standard/Wie-die-SBB-mit-ihren-Immobilien-spekulieren/story/21082967

 

Par Michael Soukup , Stefan Häne .

Sur les terrains CFF des centres-ville, ce ne sont guère des résidences pour des moyens budgets qui sont construites. Mais la pression sur le conseil fédéral augmente pour qu’il développe une politique de logement plus sociale.

Le nouveau quartier de Zurich à côté de la gare centrale est la nouvelle fierté de la ville . Sur 78 000 m2 , les CFF, propriétaire des terrains ont réalisé et ouvert récemment cette Europa-Allee : un centre commercial gigantesque, des bureaux pour 6000 employés de banque, la haute école de pédagogie de Zürich, un hôtel et 400 appartements et lofts très distingués, tout ça sur 273 000 m2 de surface de plancher. « Cela semble très précieux et surtout cher. Comme si les investisseurs avaient obtenu ce que, en temps de crise financière, ils cherchent dans le marché de l'immobilier : l'argent Béton » tel est le verdict de la « Süddeutsche Zeitung » à propos du nouveau joyau architectural de Zurich en novembre dernier. Le quartier apparaît presque surréellement vide. « N'est il pas souhaitable, dans le coeur de la riche ville de réserver de l'espace à la construction en coopérative ou à de jeunes créateurs ? » demande l’article.

Le prochain gros pari des CFF est en construction dans la ville de Lucerne : Avec plus de 50 000 m2 à côté de la voie ferrée, le projet Rösslimatt doit devenir « un habitat urbain animé » et contribuer « à revaloriser le quartier » ( CFF). Dans une première étape c’est un « complexe de bureaux de haute qualité » et 400 appartements qui sont prévus. Ici aussi, l’une ou l’autre voix critique se demandera pourquoi le quartier est presque surréellement vide. De façon analogue à l’Europa-Allee, il n’a pas été prévu de diversité sociale grâce à une intégration de logements bon marché ou sociaux, confirment les CFF sur demande. L'offre résidentielle vise principalement les nouveaux immigrants de la « Global Class », tel que l’a formulé, par exemple à Zurich, la sociologue urbaine Vesna Toms .

Les CFF, grands propriétaires fonciers

Avec une superficie de 97 km2, ce qui correspond environ à la moitié du Canton de Zoug, les CFF sont un des plus grands propriétaires immobiliers en Suisse. Environ un cinquième de cette surface, avec 3500 bâtiments, n’est pas utilisé pour l’exploitation des chemins de fer. Les CFF sont actuellement en train de construire ou de planifier sur environ 100 sites. Sont intéressants la bonne douzaine de promotions immobilières dans des quartiers attenants ou proches de gares : La Tour Andrea à Zurich - Oerlikon, les gares de Zurich - Schlieren, Zurich - Altstetten , Letzibach et Westlink et Zurich-Zollstrasse, la Tour Meret Oppenheim à Bâle, la Gare Olten Nord, et le Rösslimatt à Lucerne. Cela donne un total d'environ 300 000 m2 de surface utile. S’y ajoutent les huit projets en Suisse romande avec Genève, Lausanne et Fribourg, avec une superficie totale de près d'un demi-million de m2 .

Vont donc être construites, dans les années à venir, trois à quatre « Europa-Allee » supplémentaires au niveau du pays. Alors que ce sont souvent les derniers terrains constructibles dans les villes touchées. Villes, qui de leur côté souffrent de la pénurie de logements et cherchent désespérément à créer des logements abordables. Les électeurs, à Zurich comme à Lucerne, ont adopté une loi obligeant la ville à augmenter la part des logements à prix modérés: jusqu’en 2050 Zurich doit faire passer leur proportion de un quart à un tiers et Lucerne, dans les 25 prochaines années, de 14 à 16 pour cent .

Mais cela semble être une impossibilité : " Nous avons exigé en vain, d’avoir un accès ou une possibilité de partenariat lors des études sur les zones désaffectées des CFF », dit Rebecca Omoregie , vice-directrice des coopératives d'habitation suisses. Il n’y a que deux des projets de promotions immobilières proches des gares qui prévoient la construction de logements bon marchés : ce sont celles de Zurich à Letzibach et à la rue des douanes. Lea Meyer, porte parole des CFF: «La construction de logements bon marché est testée dans toutes les zones en développement des CFF. » Les CFF ajoutent que, pour des raisons de planification urbaine et d'amélioration souhaitée de la qualité des zones proche des gare, réaliser des logements bon marché dans ces zones très centrales et bien reliées a souvent peu de sens. Le gouvernement fédéral est responsable de cette maximisation du profit en tant que propriétaire foncier. Le Conseil fédéral attend en effet de la division immobilière des CFF qu’elle atteigne un taux de rendement égal à celui du marché, afin d’assainir également la Caisse de pensions des CFF et co-financer les investissements en infrastructure. Chaque année, CFF Immobilier livre 150 millions de francs à la division Infrastructure. « Pour les CFF cela constitue un soulagement considérable du secteur public, c’est à dire du contribuable », dit la porte-parole des CFF.

La révision de la politique

Mais le même conseil fédéral subventionne également les logements bon marché, en vertu de la Loi d'aide à la construction de logements - une contradiction qui maintenant pourrait être résolue. L'année dernière, le gouvernement a réaffirmé que le marché de l’offre et de la demande immobilières fonctionnait et a conservé sa politique actuelle, expliquant ainsi pourquoi une action immédiate n'était pas urgente. Le conseil fédéral laisse cependant examiner actuellement dans quelle mesure la construction de logements bon marché et sociaux pourrait être soutenue plus fermement sur les terrains appartenant à la confédération et aux organismes fédéraux tels les CFF mais aussi Armasuisse. C’est le groupe de travail « Dialogue et Politique de l’Habitation » qui, avec des représentants du gouvernement fédéral, des cantons et des villes a inspiré ce réajustement de la politique fédérale du logement. Les politiciens de gauche doutent certes que le conseiller fédéral responsable, le libéral Johann Schneider - Ammann, prenne vraiment au sérieux ce réajustement de la politique. Mais ils semblent actuellement soutenus par l' Office fédéral du logement (OFL), qui est affilié au ministère de Schneider -Ammann. « Le problème n'est pas que nous construisons assez de maisons », affirme le directeur de l’OFL, Ernst Hauri. «Dans le volume actuel des constructions nous devrions construire plus d’habitations bon marché et sociales. »

L'Association des Villes Suisse, comme le confirme son président Kurt Fluri (Liberal), va également dans ce sens et soutient cette nouvelle orientation stratégique. La demande pour un changement de cap n'en est pas moins une réaction à la forte pression de l'immigration : «La Suisse est en pleine croissance », dit le maire de Berne, Alexander Tschäppät (PS). Fournir des logements abordables, est plus que jamais une tâche centrale du secteur public. Pour Tschäppät « il est extrêmement important » que ceci soit également effectué par les entreprises fédérales telles les CFF.

 

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